La colère de Calpurnia (ouvert à qui voudra)

*Calpurnia se trouvait dans l'élégant cubiculum qui lui servait de chambre privée dans la vaste domus romaine de César. Elle achevait sa toilette, quand on était venu lui porter un courrier. Elle fit signe à sa servante de laisser un instant sa chevelure, que l'esclave était en train de coiffer, et ouvrit la tablette de bois sur laquelle le message était gravé dans la cire.*

Citation :

Ton mari, noble Calpurnia, se vautre dans le lit de la catin égyptienne. Elle s'apprête à lui donner le fils que ton ventre lui a refusé. Prends garde, si tel est le cas et qu'il revient à Rome avec elle, tu seras la risée de tous et il te renverra. Rappelle César à ses devoirs, Calpurnia : Rome te le demande !
Un ami soucieux de ton honneur

*Calpurnia se leva brusquement et jeta violemment la tablette en travers de la pièce. De rage, elle brisa aussi de précieux vases à onguents et bouscula sa malheureuse servante, qui tomba à terre. Il ne se passait pas un jour sans qu'on lui parle, d'une façon ou d'une autre, des frasques de son époux en Egypte. Au forum, on souriait sur son passage ; dans les soirées, on faisait des allusions douteuses. Cette fois c'en était trop ! Un message anonyme ! Dans sa propre demeure !*

- Où est le chien qui a amené ce... cette ordure ?! , demanda-t-elle, furieuse, à l'esclave qui venait d'apporter la tablette.

- Il est reparti, maîtresse... , bredouilla ce dernier en tremblant.

- Evidemment, il n'a pas demandé son reste ! Qu'on le rattrappe, vite ! Je veux le questionner ! L'épouse de César ne se laissera pas insulter dans sa propre demeure !

* Ne décolérant pas, elle se précipita dans la galerie du péristyle sur lequel ouvrait sa chambre. Suivie de l'esclave embarrassé qui s'attendait au pire. Elle gagna l'atrium et se mit à hurler des ordres pour qu'on lui ramène le messager. En voyant le tablinum où son mari recevait ses "clients", elle sentit les larmes lui monter aux yeux. Des larmes de rage, certes, mais aussi d'amertume. Elle avait tout accepté de César, ses longues absences, le temps qu'il consacrait aux affaires de Rome, et même qu'il délaisse sa couche quand il était ici. Elle s'était toujours sentie coupable de n'avoir pu lui donner ce fils que le grand homme souhaitait plus que tout au monde... Et voilà que, non content de s'amouracher de la reine d'Egypte, il fallait encore qu'il l'engrosse d'un bâtard ! Pourquoi les dieux s'acharnaient-ils ainsi à faire son malheur ?*

*Elle reprit l'étroit couloir menant au péristyle et regagna sa chambre. En chemin, elle sécha ses larmes ; en noble romaine, elle se devait de rester digne. Les servantes étaient en train de ramasser les débris qui jonchaient le sol.*

- Lydia, achève de me préparer, veux-tu ! , dit-elle à la servante qui la coiffait un instant avant qu'elle ne reçoive le fameux message. Je ne veux pas qu'on me voie ainsi. Pardonne-moi d'avoir été si rude, tu n'y es pour rien... Ensuite, une fois que j'aurais interrogé ce messager de malheur, nous irons au forum. Les Romains croient peut-être que je vais me terrer, honteuse, dans ma maison ?!

*Elle s'efforçait à présent de dominer ses émotions, mais elle ne parvenait pas à faire taire sa colère. Sans doute le fruit de trop d'années passées à ne rien dire... Dans cette grande maison vide...*

- La chienne ! La p**n ! Si je m'écoutais, je prendrais sur le champ un bateau pour Alexandrie !